Vivre plus sainement grâce aux substituts de sel en cuisine ? Si seulement c’était aussi simple...
En janvier 2025, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié une nouvelle directive sur les substituts de sel à faible teneur en sodium, les « LSSS » (Lower-Sodium Salt Substitutes). Constatant que la réduction de la consommation de sel est trop lente à l’échelle de la planète, l’OMS recommande de remplacer le sel de table classique par du chlorure de potassium afin de maintenir l’apport en sodium en dessous des 2 grammes recommandés par jour. Cependant, une lecture attentive de cette directive permet de constater que l’OMS insiste fortement sur le fait que cette recommandation ne doit pas être suivie aveuglément.

Remplacerons-nous bientôt le sel de table par un substitut de sel en cuisine ? Ce n'est pas si simple.

Le vrai problème : le sel caché dans les aliments transformés
Si la directive de l’OMS a donné lieu à des unes tonitruantes telles que « Haro sur le sel de table ! », il n’en demeure pas moins que le plus grand coupable n’est pas le sel qui se trouve dans votre placard de cuisine. La grande majorité des apports en sel dans les pays occidentaux provient du sel caché dans les aliments transformés tels que les snacks, les plats préparés et la restauration rapide.1
Celles et ceux qui suivent un régime alimentaire varié et équilibré ne doivent pas s’inquiéter outre mesure de la présence d’une pincée de sel de table dans un repas frais préparé à la maison. En fait, plusieurs études montrent qu’il n’est pas certain que la réduction du sodium ait des effets bénéfiques sur la santé.2

Les limites des substituts de sel
Selon les médias, il suffirait de remplacer le sel de table par des substituts de sel pour éviter les risques sanitaires liés à une consommation excessive de sel. Force est de reconnaître que ce constat est par trop simpliste, voire trompeur. En effet, des aspects psychologiques, écologiques, gustatifs et sanitaires doivent être pris en compte lors de la recommandation de substituts de sel.
- Goût : le sel de potassium a un goût amer et métallique. Les consommateurs ne l’apprécient que s’il contient au maximum 30 % de chlorure de potassium et 70 % de sel de table ordinaire.3
- Comportement de consommation : les substituts de sel ne réduisent pas la préférence des consommateurs pour les produits salés. Il ressort même d’études que les utilisateurs recourent à des doses plus élevées de chlorure de potassium que de sel de table ordinaire en cuisine. Résultat : une diminution infime de l’apport en sodium, mais une augmentation de l’apport en potassium, dont les risques sanitaires sont inconnus à ce jour.4
- Durabilité : le chlorure de potassium est extrait des sels de mine, un processus énergivore dont l’incidence environnementale est plus importante que celle des sels évaporés naturellement, tels que le sel de mer.5
- Santé : l’OMS émet une mise en garde : le sel de potassium est déconseillé aux femmes enceintes, aux enfants et aux personnes souffrant de problèmes rénaux. En outre, les avantages - présumés - des substituts de sel ne s’appliqueraient qu’aux personnes présentant déjà un risque cardiovasculaire élevé.6
- Carence en iode : moins de la moitié des substituts de sel contiennent aujourd’hui de l’iode, essentiel au bon fonctionnement de la thyroïde. Cette thématique figure en bonne place à l’ordre du jour des Nations Unies. Les personnes qui décident de n’utiliser que des substituts de sel risquent de souffrir d’une carence en iode.7
Grandes disparités régionales
L’OMS indique que le mode de consommation du sel alimentaire varie considérablement d’un pays à l’autre. En Chine, le sel est principalement ajouté pendant la cuisson, tandis que dans les pays occidentaux, il se trouve surtout dans les aliments transformés. Par conséquent, le remplacement du sel de table par des substituts de sel est particulièrement efficace dans des pays comme la Chine, mais moins pertinent en Europe.8 Qui plus est, l’OMS avertit que l’utilisation des LSSS dans les aliments préparés n’a pas encore fait l’objet d’études suffisantes et présente des risques potentiels pour la santé.9 Enfin, l’OMS elle-même reconnaît que les preuves des avantages des substituts de sel sont de faible qualité et doivent faire l’objet d’études plus approfondies.
Conclusion : collaborons à sensibiliser à la consommation de sel
En tant que producteur européen de sel, nous considérons la recommandation de l’OMS avant tout comme une opportunité de travailler avec l’industrie alimentaire pour poursuivre la réduction du sodium, plutôt que de cibler aveuglément les substituts de sel. À la faveur de l’innovation et de la coopération, nous veillons à ce que les consommateurs continuent à savourer des petits plats goûteux- avec du chlorure de sodium ou du chlorure de potassium, mais surtout avec une bonne dose de bon sens.
Un dialogue ouvert et sincère sur le sel...
N’y allons pas par quatre chemins : cet article est rédigé par ZOUTMAN, un producteur de sel belge. À ce titre, nous participons donc activement au débat. Ce texte n’entend pas remettre en cause l’impact du sel sur la santé. Au contraire, nous y reconnaissons l’importance d’une consommation raisonnable de sel, de même que nous pensons que des choix alimentaires avisés sont importants de manière générale
Nous voulons avant tout un dialogue critique sur l’interprétation correcte de la recommandation de l’OMS et de sa couverture médiatique. N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires à l’adresse suivante sustainability@zoutman.com.
Sources
1 Use of lower-sodium salt substitutes: WHO guideline. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2025. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO, p. 17
2 Reducing Salt Intake for cardiovascular prevention, presentation by Prof. Dr. Jan A. Staessen, University of Leuven & Maastricht University
3 Use of lower-sodium salt substitutes: WHO guideline. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2025. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO, p. 21
4 Use of lower-sodium salt substitutes: WHO guideline. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2025. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO, p. 20
5 Ullmann’s encyclopedia of Industrial chemistry, Franz Götzfried & Stefan Schlag Leon Beraud
6 Use of lower-sodium salt substitutes: WHO guideline. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2025. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO, p. 19
7 Use of lower-sodium salt substitutes: WHO guideline. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2025. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO, p. VIII
8 Use of lower-sodium salt substitutes: WHO guideline. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2025. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO, p. 17
9 The road to finalizing the LLLS guideline, presentation by Professor Shiriki Kumanuika